D'où viens-tu? Où et comment as-tu grandis? Des choses marquantes durant ton enfance?
*Un instant elle baisse le regard sur ses mains, sans répondre, sans trop savoir comment répondre à l'entité. Elle sait que cette dernière est capable de lire en elle et trouver elle-même les réponses aux questions qu'elle lui pose. Qu'est d'ailleurs cette entité finalement? Elle est immortelle Shan peut le sentir, mais une simple vampire? Elle en doute. Aussi laisse-t-elle simplement son regard s'ancrer dans celui de l'immortelle pour lui laisser l'occasion de plonger dans son passé...*
Je suis née et j’ai grandi à Plios ou Ples en plein cœur de la Russie, à quelques miles de Moscou parmi une faune et une flore sauvage. Ma famille ne faisait pas partie de celles qui montrent leur habitation avec fierté. Comme beaucoup des nôtres nous avons cruellement souffert du manque d’argent. Je n’ai pas toujours dormi dans un lit chaud, je n’ai pas toujours eu une tenue de rechange pour me vêtir, ni même et encore, suffisamment d’argent pour me nourrir. Malgré tout, je crois que mes meilleurs souvenirs remontent à ce temps-là, dans notre petite habitation avec ma mère, mon père et mon frère. Nous n’avions rien, mais nous avions tout ! Je crois que ça résume bien ce que je ressens encore aujourd’hui, en repensant à cette époque de ma vie. Ca me semble si loin aujourd'hui. Je dois avouer que mon éducation possède certaines… lacunes. Je n’ai que rarement eu l’occasion de lire des grands auteurs - mais j'ai aujourd'hui largement le temps et le loisir de me rattraper - et quasiment jamais durant mon enfance, comme je n’ai que très peu eu l’occasion de travailler mes mathématiques, ni même mon histoire. Quant à ma géographie, soyons honnêtes, elle est déplorable, elle se limite à ce que mon ancien maître m'a amené à voir. L'éducation dans un milieu comme celui où j'ai vu le jour est loin d'être aussi complet et défini que celui que vous aurez sans doute connu. Aussi je n'ai pas beaucoup plus à vous raconter sur ce sujet. Nos jeux d'alors n'étaient pas ceux auxquels vous aurez probablement joué. Ma joie des petits moments pas de même nature que la vôtre. Mais je peux vous dire que j'étais heureuse, qu'il s'agit probablement de la période la plus heureuse de mon existence...
Comment c'est passé ton adolescence? La puberté et tous ses changements? La libido qui se réveille? La naissance et/ou la découverte de ce que tu es, si c'est le cas? Étais-tu un ado difficile? Croquais-tu la vie à pleine dent? Et la sexualité dans tout ça? Tes rapports avec l'autre sexe? ...
Houlà! Doucement! Je m'y perds moi dans vos questions.
Alors commençons par la première. Comment s'est passé mon adolescence? Et bien plutôt bien jusqu'à ce que je fasse sa rencontre. J'étais une enfant joueuse et douce au sein même de mon village. Je n'avais pas d'ennemie et tous les adultes s'accordaient pour dire que j'étais adorable. J'ai eu des amis et des amourettes. Et j'adorais l'impact que j'avais sur les garçons à l'époque. Ça énervait mon frère de les voir tourner autour de moi comme des abeilles autour d'un pot de miel. Et énerver Logan était mon jeu préféré. Mon grand frère protecteur, celui qui reprendrait un jour les reines de notre village. Mon enfance comme mon adolescence ont été des instants bénis des dieux. J'ai adoré cette phase d'ignorance de mon existence et je paierais cher pour la retrouver...
Venons-en à présent à l'autre sexe. Adolescente taquine, j'aimais m'amuser toujours gentiment, croquer la vie à pleine dents, profiter de chaque instant. Déjà à l'époque je possédais quelque chose d'un peu téméraire en moi. Alors les garçons m'amusaient, je n'avais jamais rien connu de sérieux bien sûr. Un baiser se limitait à un smack pour moi. Je ne connaissais rien de l'éveille des sens, ni même du sens d'un véritable baiser. Je n'ai connu ça qu'à mes 20 ans. En faisans la rencontre de Drustan. Il m'avait surprise dans les bois, me baignant nue dans un lac. Les sources d'eaux chaudes le gardait à une température légèrement supérieur à 18 degrés. Mais pour moi ça valait de loin ce que j'ai découvert plus tard, des bains chauds. Il s'était appuyé négligemment contre un arbre pour me regarder avec un petit sourire au coin des lèvres. Ce genre de sourire qui amène toutes ses proies à ne pas pouvoir lui résister. Ce soir-là, je suppose que je devais être l'une d'entre elles. Une nourriture sur laquelle il ne s'attendait pas à tomber. Et pourtant, il m'a tendu sa chemise en détournant le regard pour m'en habiller. Et protégé du vent par les arbres, nous nous sommes assis pour discuter. Je me souviens que je ne parvenais pas même à détacher mon regard du sien. Les secondes, se sont transformées en minutes et les minutes en heures sans que j'ai eu le temps de m'en apercevoir. Ce n'est que quand j'ai entendu crier mon nom dans les sous-bois que je ne suis rendu compte que j'étais complètement transite de froid. Surprise, comme prise en faute je me suis alors redressée, me suis habillée devant lui sans aucune honte aucune avant de lui rendre sa chemise. Déjà des pas approchaient. Et je me doutais des problèmes à venir si jamais on me surprenait avec lui dans les bois. A l'époque les rencontres entre les hommes et les femmes ne se passaient pas comme aujourd'hui. Mais contre toute attente, et alors que j'allais lui demander de partir, il m'a embrasser la commissure des lèvres en m'invitant à revenir le voir le lendemain soir. C'est ce que j'ai fait. Chaque soir durant plus d'un mois. Je passais mes jours à rêver de lui, en travaillant et la nuit à discuter avec lui, à le laisser m'ouvrir à la vie, aux expériences charnelles, à l'amour. C'est lui qui le premier m'apprit ce qu'est un vrai baiser. Qui me fit l'amour pour la première fois sur les feuilles mortes. Ce fut ce jour-là ou plutôt cette nuit-là que je fis la connaissance de Victor. Son roi. Drustan m'avait dit ce qu'il était la seconde nuit où nous nous sommes rencontrés. Mais je n'avais pas eu peur de lui à l'époque. Comment aurais-je pu avoir peur de lui. Il était si tendre. Si généreux avec moi! Victor me paraissait charmant lui aussi! Et pourtant se fut le début de la fin pour moi... La fin de mon innocence. Comme celle de ma vie humaine...
Parlons un peu de ta vie d'adulte à présent? As-tu fais des études? As-tu une profession? Si oui pourquoi ce choix ? As-tu connu des tournants dans ton existence?
Ma vie adulte a connu pas mal de bouleversements.
Ma transformation d'abord, ma rencontre avec Victor allait signer la fin de beaucoup de choses. De mon humanité, de notre relation (du moins exclusive) avec Drustan, de la vision que j'avais de mon frère, de la vie... Victor est de ces hommes qui ont vécu bien trop longtemps. De ces hommes à qui l'on ne refuse rien. J'étais tout ce qu'il n'était pas, douce, tendre, patiente. J'étais une humaine à part entière profondément encrée dans la vie et dans l'existence. Et puis, vint le moment où Logan eu peur pour moi. J'ignorais alors qu'il était loup. J'ignorais tant de choses alors...
*Songea-t-elle tristement...*
Mais lui n'ignorait rien des vampires. Il a fait en sorte de m'éloigner d'eux au possible. Mais on n'arrête pas un vampire aussi facilement. Ho non! Alors, une nuit de pleine lune, il m'a donné rendez-vous dans les bois. Je vous passerais les détails, de toute façon Logan n'était pas cruel, mais la morsure, la transformation reste quelque chose de très intimes. Un souvenir plutôt désagréable et brutal finalement. Je ne reproche pas à Logan son choix. Je ne vis pas ma transformation comme une malédiction. Même si je n'en suis pas très fière pour autant. Je comprends ce choix, cette volonté de me protéger. Et j'ai eu le temps de me mettre à sa place, de me dire que si ce choix m'était revenu j'aurais sans doute agi comme lui, pour le sauver.
Cependant, c'était mal connaître Victor que de penser qu'il me laisserait tranquille maintenant que j'étais devenue une louve. Au contraire même. C'était un bonus non négligeable pour lui. J'étais devenue une marionnette immortelle, un jouet qu'il ne risquerait pas de briser aussi facilement que les autres. Qui ne vieillirait pas. Peut-être même a-t-il vu en moi quelqu'un à aimer, à sa manière évidemment. Après tout, j'étais tombée amoureuse de Drustan en sachant qu'il était un vampire, alors... Toujours est-il que ma transformation a été le coup de grâce. J'étais devenue celle que Victor voulait et croyez-moi, rien de résiste à Victor. Non! Absolument rien...
*
La mort sanguinolente de ma mère, ensuite, évidemment. Tuée devant mes yeux par des créatures qui n'étaient censées exister que pour terroriser les enfants pas sages. Des vampires *dit-elle avec dégoût*. Je les ai accueillis dans ma vie et dans ma ville et je dois mon salut à ma mère, à cette femme qui leur avait interdit l'accès à notre maison. C'est à elle que je dois ma vie sauve, à elle et à elle seule, car tous les habitants qui avaient eu le malheur d'accepter les vampires sous leur toit furent assassinée avec elle cette nuit-là...
*Et tout ça à cause de moi et uniquement de moi. S'il n'avait pas sentis la louve en moi, s'il n'avait pas été fasciné par ma douceur, par ma pureté et mon regard, ma mère serait peut-être encore là. Mais je n'ai pas vu le danger quand bien même il avait frappé à ma porte. Je n'ai pas vu cet éclair de fascination traverser son regard dès le premier soir. Je n'ai pas vu le mal que je m'apprêtais à faire subir aux miens. Je n'ai pas vu de nuages s'amonceler à l'horizon, annonciateur de malheurs et de morts. Je n'ai rien vu de ce que les grands auteurs racontent. J'ai seulement entendu les cris et le sang. J'ai seulement vu mourir, un à un et avec cruauté, toutes les personnes avec lesquels j'avais grandi. Victor, avait fait tout ça par simple plaisir, par simple cruauté et soif de sang et de brutalité. Il voulait m'avoir pour lui, mais il voulait que ce soit marquant. J'étais si jeune alors (dû c'est ce dont je me rends compte à présent), j'avais à peine 21 ans. Mais tout ça est tellement frais en moi. *
[i]La haine se lisait farouchement dans son regard, les poings contractés, la mâchoire serrée, les yeux fermés, elle revivait cet épisode avec autant d'intensité que par le passé, elle entendait les cris de peur et d'agonie, écoutait les meubles se fracasser, le sang gicler. Elle regardait encore ceux avec qui elle s'était amusée la journée durant, courir en tentant de surmonter l'inévitable. Elle revoyait le sourire carnassier du vampire qui la regardait à la porte de chez elle, tentant de la convaincre de plonger son regard dans le sien, de le rejoindre et d'être sienne, enfin...
Mais Victor n'était pas le seul vampire ce soir-là, ho non, il avait amené une poignée des siens avec lui. Dont Drustan. Ce même Drustan que j'aimais, ce même Drustan que j'imaginais bon, pour qui j'avais poussé les gens de mon village à accepter les vampires. Ce même Drustan qui ce soir-là, avait planté ses crocs dans la gorge d'un des enfants du village. Un de ceux qui comme moi, l'avait accepté à bras ouverts et lui avaient réclamé des histoires... Et c'est alors que j'ai cédé. L'espace d'une seconde j'ai oublié pourquoi j'avais refusé jusque-là de plonger mon regard dans celui de Victor et je l'ai fais. Et malgré moi, j'ai franchi le pas de la porte et... j'ai hurlé de souffrance quand ses crocs se sont plongés dans ma gorge. Je n'étais pas préparée à ça, j'étais tendue comme un arc et il avait faim de moi. Un vampire expérimenté peut choisir l'intensité de la douleur qu'il veut vous faire ressentir et Victor voulait que je souffre, il voulait me donner un avant-goût de ce qui m'attendait.
Quand je me suis réveillée, nous avions déjà passé la frontière, j'étais humaine, mais prisonnière.
Vous vous dites surement que j'aurais pu profiter du jour pour fuir. Et bien je l'ai fait, mais avez-vous seulement idée de la perfidie d'un lien de sang vampirique ? Je ne l'ai fait qu'une fois vous pouvez me croire, une seule fois et j'ai passé la semaine suivante à crier toutes les nuits ma douleur et mon regret.
Ce vampire a assassiné ma pureté. Il a fait de moi une louve sanguinaire, un assassin hors pair. J'ai torturé pour lui, j'ai subi chacun de ses assauts, sous toutes les formes que ce soit. J'ai subi ses caprices et son humour. J'ai donc vite appris à ne pas franchir les limites, à connaître celle de mon maître, à en jouer même quand il m'en donnait la possibilité. On apprend à être un jouet docile. Mais le plus tragique dans cette histoire, c'est que l'on finit inévitablement par s'habituer, on finit par aimer son tortionnaire avec autant d'intensité que l'on peut le détester... Et si l'on souffre à chaque souffrance que l'on transmet, on apprend vite à se blinder et à cacher et se cacher la vérité.
Il m'a nommée Thémis, sa déesse de la justice. Sa justice à lui. Et c'est ainsi que l'on m'a connu durant prêt de 85 ans.
Je me suis spécialisée dans les plantes. Les poisons. C'était mon mode opératoire à moi. Une façon de ne pas être trop cruelle quand je le pouvais. Mais il m'est aussi arrivé de torturer. De poignarder, de mordre, d'étrangler, etc... Je suis l'un des assassins les plus impitoyables qu'il soit. J'ai été façonné durant plus de 80 ans dans cet optique.
Jusqu'à ce que je réussisse à m'enfuir cela va s'en dire...
Venons-en à Aspen Creek à présent? Qu'est-ce qui t'amène ici, si tu n'y as pas grandis? Quel rôle y joues-tu? Pourquoi Aspen Creek a-t-elle besoin de toi? Qu'attends-tu des prochains mois?
Cela devrait vous paraître aussi étrange qu'à moi mais... C'est grâce à Drustan et Selena (seconde du roi) que je suis venue à Aspen il y a quelques mois de ça maintenant. J'ai écouté parlé du Marrok dans un bar alors que j'étais simplement en mission de reconnaissance. Un endroit de paix pour les gens comme moi. Et puis, j'ignore pourquoi, à cet instant précis, après près de 90 ans mais Drustan m'a aidé à m'enfuir. A trouver les bonnes personnes, l'argent nécessaire et tout le reste. C'est grâce à lui que j'ai pu me recréer une nouvelle existence.
Je me suis faite drainer de mon sang, j'ai parcouru le monde sous diverses identité avant de regagner les Etats-Unis pour Aspen. Je n'ai pas voulu tricher. A quoi bon de toute façon? Le Marrok devait bien avoir conscience de qui j'étais. Je ne doutais pas un instant que mes exploits m'aient précédé. Alors je me suis présentée à lui. Je lui ai expliqué mon histoire. A lui et à son fils cadet. Et contre toute attente ils m'ont accepté sur leur terre. J'étais surveillée certes mais plus libre que je ne l'avais été ces 80 dernières années. Et puis, je comprenais leur motivations, je ne me serais pas non plus fais confiance à leur place.
Après quelques semaines passées à me convaincre qu'on ne pourrait me retrouver ici, que je ne risquais plus rien, j'ai entendu parler de la librairie qui était en vente. Drustan ne m'avait pas seulement donné de quoi échapper à notre maître non. Alors j'ai investi. Moi qui n'avait jamais tenu un libre neuf de mon enfance, qui avait à peine appris à lire, j'ouvrais une librairie. Me donnant ainsi tout le loisir de rattraper le temps perdu.
Voilà près de 8 mois à présent que je suis à Aspen. Un peu plus de 6 mois que j'ai ouvert ma boutique. Et la seule chose que j'espère, c'est pouvoir continuer de vivre ma vie, comme à présent...
D'autres choses à nous faire savoir ? Sur tes capacités? Sur ta vie? Sur ton environnement? Un secret peut-être que nul n'est censé connaître?
Je vous l'ai dis, je suis le calme même. Le silence et la patience. Mais je ne conseil à quiconque de réveiller la bête qui sommeil en moi. Je vous en prie laissez-moi vivre en paix et tenter de faire l'impasse sur ce que j'ai été. Laissez-moi essayer d'être celle que j'aurais été, si rien ne s'était passé...